Par Joe G. Pinelli

...Et réciproquement.

C’était lors du festival les Ancres noires, au Havre. Le matin. Pas trop tout de même. On longeait la plage en compagnie de Jean-Hugues Oppel. Une balade tranquille, pour le plaisir de sentir l’air du large. Joe et Jean-Hugues aiment bien le couper d’effluves de cigares. Trop d’iode, c’est mauvais pour la santé.

On allait retrouver Philippe Huet, un autre accro au barreau de chaise. D’habitude, l’odeur du Havane ne me fait pas voyager plus loin que les toilettes, mais allez savoir pourquoi, je me sentais bien. On parlait peu. Joe parle peu. Il n’en a pas besoin pour dire beaucoup de choses. Il a ses silences. Ses mimiques aussi.

J’avais pris trois pas d’avance. Un non fumeur c’est tout de suite plus sportif. Quoi qu’avec Joe, je me hasarderais pas au bras de fer. Il avait ralenti. J’ignorais qu’il me croquait. Dans sa tête ou peut-être avec un de ces trucs numériques fantastiques. Etre croqué par Joe, c’est délicieux, on ne sent que le vent de la mer. Celle du nord. Où que l’on soit. Et la bière, parfois. La Faro, qu’on boit à Bruxelles, place Saint Gilles ou à la Mort subite.

Et puis, j’ai vu sa peinture. J’aime bien dire peinture. Ca me rappelle des tas de choses, l’école, les odeurs et les couleurs sur le papier Canson. Elle était publiée dans Shangai express, la peinture de Jo. Il l’avait intitulée De dos au Havre un dimanche de juillet. Elle est belle, pas vrai ? Elle m’a touchée. Son titre aussi. C’est important les titres. Celui-là disait qu’il avait pris le temps de ralentir, qu’il devait se sentir bien, lui aussi. On ne peint pas quelqu’un quand on songe à lui fausser compagnie. Je voulais lui demander sa peinture, à Joe. Mais quoi, je ne trouvais pas la phrase. Il me l’a donnée en hiver. On n’en avait pourtant jamais parlé. C’était à Bruxelles, à l’Union, un accordéoniste jouait un vieux truc de Pétula Clarck. La peinture, elle était dans une de ces enveloppes insensées que Joe bricole pour vous écrire. Quand je l’ai découverte, j’étais aux anges. Je crois avoir demandé avec quoi on fabrique la Faro. Joe a goûté la sienne. "Du caramel", il a dit. Et on a trinqué.

© Patrick Pécherot