Soleil noir

- 2009 - 2007 - Gallimard -

Quand un braquage percute la mémoire sociale...

Dans une ville à l’abandon, quatre hommes, éternels perdants, préparent l’attaque d’un fourgon blindé. Il y a Félix, éreinté par la vie, Simon, le truand sur le retour, Brandon, le rappeur autiste et Zamponi, l’artisan lessivé. Ils jouent leur dernière carte. Leur plan ? Se fondre dans le décor. Ravaler au grand jour la maison d’un oncle défunt. Mais la poisse les poursuit. La grève des convoyeurs les prend de vitesse. La presse s’en mêle, les curieux rappliquent, un restaurant déserté retrouve une jeunesse… Tandis que les braqueurs rongent leur frein, la ville renaît. Les fantômes du passé entrent dans la danse, apportant avec eux une mémoire oubliée. Un amour fou, une mystérieuse disparition et le sort tragique des émigrants polonais, expulsés de France dans les années trente. Quand les fils du destin s’enchevêtrent, le bal des « pas de chance » est ouvert.



Séquence 1

"Le bruit d’une fleur ?
Son regard était compatissant. Un brave type. On le voyait à la façon qu’il avait de hocher la tête. Genre Oui-Oui, le lutin des petits bouquins. Le bruit d’une fleur, ça lui en bouchait un coin mais il s’en serait voulu de me contrarier. Dans un moment pareil.

...Bien sûr, il a dit en capuchonnant son stylo, je comprends.

Il ne pigeait rien et il s’en foutait, mais c’était gentil de faire comme si. Il avait du métier, on le sentait. Tout en tact et en retenue. Je me suis levé et on s’est serré la main. La sienne était ferme. Avec du « courage » dans la paume et la pression des doigts.
Quand il m’a ouvert la porte, son portable a sonné. Les objets, on devrait toujours s’en méfier. Un oubli, c’est vite la faute. Tatitata-tatitata. Dans son dos, la petite musique s’entêtait. Un crincrin obstiné qui détonnait dans l’ordonnancement des choses. Il a fait le seul truc possible : rien. A croire que j’étais seul à entendre. Un acouphène qui me serait venu aux oreilles. Tatitata-tatitata. Il l’avait choisie avec soin, sa rengaine. L’Exorciste. De quoi amuser les copains. Décompresser, aussi. Dans son boulot, on a besoin de soupapes. Le portable insistait. Il a continué de l’ignorer et je suis sorti. A travers la vitrine ruisselante de pluie, il m’a fait un dernier signe de tête. Comme un on se reverra, plein de soupirs désolés. Je n’étais pas pressé. J’ai remonté mon col. Sous la flotte, l’enseigne dégoulinait. Pompes funèbres générales..."

A suivre dans Soleil noir (éditions Gallimard Série Noire)